Enquête publique de la déviation de Saint Hostien- Le Pertuis sur la RN 88 15 juillet – 14 août 2020
Sur le tronçon concerné par l’enquête publique, la RN 88 actuelle comporte 2 voies ou 3 voies et traverse 2 villages. Le projet soumis à enquête publique prévoit la création d’une 2x2 voies dont les emprises seront en totalité en milieu naturel et agricole.
L’impact sur l'agro-écosystème serait très préjudiciable avec notamment la destruction de 140 ha d’espaces naturels (dont plus de 20 ha de zones humides), forestiers ou agricoles et l'artificialisation de cette surface. Le projet affecterait 29 exploitations agricoles avec une diminution des terres agricoles de 80 ha et un territoire de grande qualité paysagère détruit. Comme le précise l’Autorité Environnementale, il affecte d’une manière irréversible les paysages des Sucs reconnus d’une grande qualité et ayant une renommée nationale voire internationale sur le plan géologique.
Ce projet provoquerait la disparition d’habitats de nombreuses espèces : 16 habitats d'intérêt communautaires dont 8 à forts enjeux, de 3 espèces végétales protégées, 51 espèces d'oiseaux protégées dont le Milan royal et une espèce de pie-grièche, 6 espèces de reptiles dont la Coronelle lisse, 5 espèces d'amphibiens dont le Triton crêté et la Salamandre, 13 espèces de mammifères protégées dont la Loutre d'Europe, et 22 espèces de chiroptères. Parmi toutes ces espèces, 3 bénéficient d’un Plan national d’actions pour en assurer la préservation (« PNA Chiroptères », « PNA Milan royal », et « PNA Loutre d’Europe »). Il provoquerait le déplacement de plusieurs cours d’eau, dont un accueille l'Ecrevisse à pattes blanches, et la traversée d’un périmètre de captage rapproché.
Compte-tenu de l’importance des impacts sur ces milieux exceptionnels, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) estime à 150 hectares les mesures compensatoires qui seraient nécessaires. 150 ha de mesures compensatoires pour une route de 10,7 km dont l’emprise est de 140 ha ! Peut-on parler de performance environnementale comme l’indique le Conseil Régional ?
La Région déclare pouvoir reconstituer avec une totale efficacité les milieux naturels détruits ou pollués! Le CNPN estime qu’il s’agit «de propositions qui survolent lesproblèmes sans les élucider» et «procèdent davantage d'intentions, mais n'apportent pas de garanties de succès».
- Comment un tel projet, dont les impacts sont majeurs sur le territoire traversé, ses paysages et évidemment les habitats de très nombreuses espèces, a-t-il pu être retenu ?
- Comment ce projet peut-il ignorer les recommandations de l’Autorité environnementale et du CNPN ?
- Comment le Conseil Régional peut-il garantir que les milieux impactés seront reconstitués et suivis pendant plus de 30 années par des experts écologues, sur des financements régionaux ?
Sur la forme :Ce projet n’a pas fait l’objet de la concertation préalable récente nécessaire au regard de ses impacts, ni de réunion publique d’information, ni de débat public (la DUP date de 1997 !). Par un courrier du 16 juillet 2020, nous avons demandé l’organisation d’une réunion d’information, organisée par la Commission d'enquête avec la participation du maître d'ouvrage : ce courrier est resté sans réponse à ce jour. Aucun site d’information sur le projet n’a été mis en place pour permettre aux habitants et au public de pouvoir avoir accès au dossier, autrement que par les documents mis à l’enquête publique, dissuasifs pour toute personne non experte compte tenu de l’épaisseur du dossier. 23 ans après la DUP, il n’y avait pas d’urgence à organiser une enquête publique en période estivale. Cette période du 15 juillet au 14 août étant la plus défavorable de l‘année pour obtenir une bonne participation de la population à l’enquête, n'aurait-elle pas pu être déplacée à une période de l'année plus propice à l'expression démocratique?
Dès le début de l’enquête, au vu des documents particulièrement volumineux à étudier pour pouvoir exprimer un avis circonstancié, et compte tenu du temps nécessaire à l'examen de manière approfondie d'un tel dossier, nous avons demandé par écrit au Président de la commission d’enquête de la prolonger d’un mois. Cette demande est restée sans réponse à ce jour.
Le Tribunal Administratif sera juge d’une enquête publique volontairement conduite au cœur de l’été, des conditions de concertation et de l’absence deréponse à notre demande écrite du 16 juillet sollicitant sa prolongation et visant à tenir au moins une réunion publique en début d’enquête.
FNE 43 fédère plus de 25 associations du département et plus de 100 adhérents individuels, est agréée et habilitée pour le département par le Préfet de la Haute-Loire. Elle est de très loin la plus importante Fédération d'associations de défense de l'environnement, de la biodiversité et de promotion du développement durable du département de la Haute-Loire. Elle n’a cependant pas été informée en amont de ce projet et n’a pas été associée aux travaux du COmité de PILotage (COPIL).
Sur le fond :Le dossier, comporte de nombreuses lacunes, dont celles concernant le foncier :
En effet, sur les 40 hectares retenus par le maître d’ouvrage, seulement 30 ha seraient acquis aujourd’hui. Nous savons que le CNPN considère que 150 ha sont nécessaires pour les compensations (pour les seules zones humides, les besoins sont de plus de 40 ha). De plus, il faut ajouter les espaces nécessaires pour le stockage des matériaux, non prévus et dont le volume est passé de 1,4 millions de m3 dans le dossier à 800.000 m3 dans la réponse de la Région ... tout cela en élargissant les talus..! Nous pouvons également rajouter les nombreuses infrastructures à créer pour accéder aux zones de travaux, qui dévoreront encore de nombreux espaces par leur artificialisation.
- Pourquoi conduire une telle enquête publique sur un dossier manifestement incomplet ?
- Pourquoi la Commission d’enquête n’a-t-elle pas demandé, dès qu’elle a pris connaissance du dossier, les compléments indispensables au Conseil Régional ?
Suivi de projet, de ses impacts et leurs effets sur 30 ans ?
A l’issue de la phase de travaux, le Conseil Régional remettra l’infrastructure à l’Etat :
Qui assurera la mise en œuvre des mesures de compensation des impacts et leur suivi durant les 30 années par des experts de la biodiversité ?
Comment ces mesures et ces suivis seront-t-ils financés, ainsi que les suivis nécessaire et par quelles entités (Etat, Région, collectivités) alors même queles budgets nécessaires sont très aléatoirement et difficilement évaluables à ce jour ?
Comment une telle enquête peut-elle être engagée alors que son budget global n’est pas connu et que le montant global de l’opération doit être précisé dans le dossier d’enquête publique (le chiffre donné dans le dossier de 145 millions d’euros est manifestement insincère et ne peut constituer le budget de référence) ?
La logique de ce projet de déviation-contournement du Pertuis et de Saint Hostien à 2x2 voies date des années 1980/1990. Dans l’optique de cette époque, le «développement» des départements ruraux devait alors passer par un «désenclavement», si possible à caractère autoroutier. Depuis longtemps, toutes les études et évaluations mettent en évidence que le désenclavement ne garantit pas le développement économique. Le « temps gagné» n’est pas un argument suffisant, vu que le dossier d’enquête et les experts évoquent au maximum 3mn (1mn pour les poids lourds!) au lieu des 10 à 15 mn annoncés !
Chacun sait que le tracé choisi dans les années 90 et validé dans la cadre de la DUP en 1997, ne l’a pas été sur des considérations techniques, le tracé retenu étant parmi les plus longs, le plus coûteux et le plus dévastateur pour la nature, les terres agricoles, les zones humides, les paysages... L’Autorité Environnementale met en évidence que le maître d’ouvrage «pourrait s’interroger sur la poursuite d’un projet à 2x2 voies et permettant de rouler à 110km».
Pourquoi avoir conservé un projet qui date de 23 ans en choisissant de plus la variante la plus pénalisante, et qui est très destructrice pour l’environnement, l’économie, l’agriculture, des paysages authentiques et l’identité du territoire ?
Pourquoi une 2x2 voies en 2020?
La conception et la réalisation des infrastructures routières sont définies par des Instructions ministérielles (ARP, ICTAVRU, ICRAAL, ...).
Si, dans les textes, les chaussées bidirectionnelles sont prévues pour des voies dont les trafics sont de 8 à 12 000 véhicules/jour et les routes à 3 voies pour des trafics de 12 à 20 000 véhicules/jour, le trafic journalier de 14 000 véhicules/jour aurait dû conduire au choix d’une route à 3 voies ou pour des raisons de sécurité une route bidirectionnelle à deux (ou en 2+1, 1+2) avec séparateur central.
De plus, au plan de l'accidentologie, la gravité est à l'inverse de ce qui est annoncé par le maître d'ouvrage : pour 100 accidents corporels la gravité est de 83 pour les routes à 2 voies et de 86 pour les routes à 2x2 voies ! Par leur vitesse les accidents sont plus mortels sur les routes à 2x2 voies.De plus, à moyen et long terme, cet itinéraire pourrait connaître un trafic largement inférieur aux trafics de saturation d’une route à 3 voies ou à 2 voies (le cas échéant en 2+1, 1+2) avec séparateur central. Le choix d’une 2x2 voies se paie très cher en termes de systèmes d'échanges (le choix d'échanges dénivelés a été fait sur cette section), de TPC et de BAU, donc de consommation d'espace, de pollutions et d'impacts lourds sur les milieux naturels.
Le maître d’ouvrage justifie le «type d’infrastructure» retenu par des motifs de «continuité de l’itinéraire RN 88» et l'homogénéité des vitesses. Or, la continuité à 2x2 voies n'est déjà pas réelle sur l’itinéraire actuel, puisqu’il y a 2 viaducs à 2x1 voies sur le parcours Le Puy – Saint Etienne (le viaduc du Ramel et celui de Pont de Lignon)
Aussi, ne peut-on pas légitimement s'interroger sur la pertinence du choix de ce «type d’infrastructure» et sur ses motivations réelles ?
Alors que les politiques actuelles sont tournées vers la transition écologique, dans un contexte de crise climatique, écologique, économique... pourquoi ne pas avoir reconsidéré le dimensionnement à 2x2 voies, qui n’est pas le seul possible, et avoir conservé le tracé le plus «dévastateur» pour l’environnement, la biodiversité et l’activité humaine, notamment l'agriculture ?
Un projet défavorable au développement économique :
Toutes les études et évaluations mettent en évidence, depuis longtemps, que le désenclavement ne favorise pas nécessairement le développement économique d'un territoire. Il n’en est qu’un critère parmi d’autres. Le territoire vellave est-il enclavé parce qu’il lui manque 10km de voie rapide pour rejoindre la métropole lyonnaise ?
Ne l’est-il pas aussi par l’absence de vrais choix en matière de voies ferroviaires ?
Le maître d’ouvrage ne peut ignorer qu'une infrastructure routière peut irriguer un territoire et en favoriser le développement, mais aussi qu’une infrastructure de type «voie rapide», draine également les forces vives des petits territoires vers ceux de la grande ville la plus proche.
Pour le bassin du Puy, le principal moteur de l'attractivité économique (tant pour le tourisme que pour les activités et l'emploi) est l'authenticité du territoire. Des touristes qui passent dans un territoire ou l’on roule à 110 km/h avec une sortie tous les 10km ne s’arrêtent pas... ils vont à leur destination.
Le passage du col du Pertuis est un marqueur symbolique fort de cette identité : il marque l'entrée sur le bassin du Puy. En contournant le Pertuis, on ne fait pas quecontourner un village, on fragilise cette authenticité en banalisant le territoire, et pa là, on l'ouvre encore davantage aux risques de la concurrence. La fin du col du Pertuis constitue une fragilisation du moteur économique du territoire : son authenticité.
Pour répondre aux craintes des commerçants et autres activités présents au Pertuis, la Région promet la création d'un village services. C'est une illusion. Les villages étapes sont liés à des infrastructures de déplacement de longue distance (La Canourgue et l'A75 par exemple). Or le trafic sur la RN 88 est d'abord un trafic de courte distance, notamment des navetteurs, entre Le Puy et St Etienne. La demande sera donc insuffisante pour justifier la création d'un village services au Pertuis, à 10mn du Puy et de la fin - sans doute définitive - de la voie rapide ! La création d’un village service efficient n’est-elle pas une illusion ?
Par contre ce «village service » videra de son sens le bourg du Pertuis; les commerces actuels devront y déménager dans l'espoir de pouvoir survivre. Que diront les villageois du Pertuis quand il leur faudra prendre leur voiture pour aller faire leurs courses sur une aire de type autoroutier ?
Depuis peu de temps, il ne fait plus de doute qu’il nous faudra revoir nos modes de consommation, de développement et donc de déplacements. A terme, ces déplacements seront moins nombreux avec le développement inéluctable du «consommer local».
Comment se fait-il que ce projet ignore délibérément ce que tous les aménageurs savent depuis des décennies, et prévoit une croissance du trafic «de l’ordre de 1,7 % par an entre 2018 et 2023 et de l’ordre de 1,1 % par an entre 2023 et 2053», soit une prévision d'augmentation du trafic de près de 50 % sur 30 ans, alors que tous les indicateurs prévoient une baisse du trafic à cette échéance ?
Ces chiffrages ont-ils sérieusement été mis à jour ?
La sécurité :
Elle est présentée comme un «objectif principal» dans le dossier d’enquête. Le dossier présenté justifie le projet en donnant des informations sur l’ensemble de la RN88. Le nombre d’accidents corporels y serait plus important que sur la moyenne nationale. Par contre, la gravité des accidents (nombre de tués et de blessés) est beaucoup moins importante sur la RN88 que sur les autres routes de France. Qu'il s'agisse des routes à 2 voies (83 blessés graves ou tués pour 100 accidentscorporels), à 3 voies (86) ou à 2x2 voies (86). Pour la RN88 actuelle, cette statistique est de 74,1...
Les chiffres de la sécurité routière contenus dans l’enquête publique montrent pourtant que, sur la section entre Lachamp et le Pertuis, il n’y a pas eu de victime entre 2013 et 2017, les morts sont du côté d’Yssingeaux, sur un tronçon à 2x2 voies, tronçon sur lequel nous n’avons pas fait d’observations!
A notre demande, le Préfet de la Haute-Loire nous a transmis les chiffres des 10 dernières années, soit de 2010 à 2019 : on note 8 blessés sur la période et 2 tués en 2018 dans le même accident... Pour, ce dernier, le compte rendu des médias de l'époque met en évidence que la perte du contrôle du véhicule était liée à une
conduite sous l’emprise de stupéfiants.
Toutes les affirmations concernant une route dite «particulièrement accidentogène» sont donc erronées et l'argument sécuritaire curieusement exagéré.
Par ailleurs, la Délégation Interministérielle à la Sécurité Routière fait de la vitesse un marqueur fort de l’accidentologie routière (Voir le débat sur la mise à 80 km/heure au lieu de 90 km/heure des routes départementales, la politique des «radars», etc...). L’accidentologie, en termes de nombre d'accidents, de tués et de blessés est effectivement fonction du «carré» de la vitesse. Le nombre limité d’accidents sur cet itinéraire et cette future section à 2x2 voies diminuerait peut-être, mais le nombre de tués et de blessés augmenterait du fait de la vitesse autorisée.
Pourquoi la Région a-t-elle besoin d’insister sur le thème de la sécurité pour justifier un projet tel que celui présenté à l’enquête publique, alors que l’accent mis sur ce thème ne correspond pas aux politiques nationales conduites par la Délégation interministérielle à la sécurité routière ?
Si la sécurité des habitants des 2 bourgs traversés doit enfin être assurée, un contournement à 2 voies simples pourrait utilement être envisagé pour Saint Hostien et avec des modalités différentes pour le Pertuis. En effet, le passage du col du Pertuis est un marqueur symbolique fort pour entrer dans le bassin du Puy en Velay.
Une voirie adaptée sur quelques centaines de mètres avec une zone 30 garantie par des aménagements adaptés, permettrait de faire une halte et aux commerces de se développer. Une passerelle, formant symboliquement l’entrée du Velay, pourrait être installée afin de sécuriser les traversées piétonnières. Le «village service» promis ne verrait pas l’arrêt des automobilistes lancés sur une 4 voies, à une distance aussi faible du Puy en Velay. La traversée de Saint Hostien, qui répond à une réelle demande de ses habitants, pourrait, elle, être évitée totalement par un tracé contournant le village, avec une bretelle permettant d'y accéder.Les travaux :
Le projet nécessite :
- la construction de 13 ouvrages d’art, dont un viaduc d’une longueur de 300 mètres (Viaduc de Roudesse).
- un terrassement de 3 000 000 m3 de déblais et 1 600 000 m3 de remblais. La bonne gestion de tels chantiers routiers veut que «déblais = remblais», pour ne pas aller faire des emprunts dans le milieu naturel, ou d'avoir à mettre en remblais des espaces naturels.
Le projet présenté par le Conseil Régional conduit à un excédent de remblais de 1,4 millions de m3 non utilisés (800.000m3 déclarés par la suite) et le projet ne prévoit pas ... de lieu de stockage !
Le dossier ne donne pas le bilan carbone, ni d’évaluation de la pollution atmosphérique pendant les travaux.
Comment expliquer de telles insuffisances dans l'élaboration du dossier. Dans ces conditions d'impréparation, pouvait-il donner lieu, en l’état, à une enquête publique ?
Le gain de temps :
Des gains de temps largement exagérés (10 min à 15mn) sont mis en évidence par le Conseil Régional, alors que les calculs réalisés par les experts indiquent plutôt un «gain» réel inférieur à 5mn. Dans le dossier, il est même de 3mn pour les VL et 1mn pour les PL.
Pourquoi cette stratégie ? S’agit-il, comme pour la sécurité, de faire passer émotionnellement un mauvais projet sur le plan technique et contraire aux orientations actuelles ?
Le cadre de vie des riverains :
Le projet doit améliorer le cadre de vie des riverains de l'actuel tracé de la RN 88 : c'est une évidence à première vue, compte tenu du contournement (ils seront toutefois impactés par le déménagement des commerces de proximité) ! Par contre, pour les habitants des neuf hameaux qui verront le nouveau tracé passer à proximité directe, c'est une toute autre histoire... Plus d'une soixantaine d'habitations sontconcernées dans les lieux dits de Le Vernet, Faussier, les Combes, la Pénide, le Rouchas, la Freydeyre, Batailloux, Ouillon, et Rabuzac. Les riverains actuels de la RN 88 au Pertuis et à Saint-Hostien ont hérité ou acheté en conscience ces maisons existantes. Par contre, pour les propriétaires nouvellement impactés par la déviation, c'est une réelle injustice.
La pollution de l’air :
Si le projet se réalisait, il est évident que la pollution de l’air baisserait à proximité de l’actuel tracé (comme le souligne le dossier), il est néanmoins tout aussi évident qu’elle augmenterait de façon conséquente à proximité du nouveau tracé ! En outre, la pollution globale serait plus importante compte tenu de la vitesse plus élevée.
Si l’on prend également en compte la période de travaux, la pollution atmosphérique explose ... Ces éléments semblent avoir été volontairement négligés. Pourquoi aucun suivi de la pollution de l’air n’est-il envisagé ?
Sur le Schéma Régional d'Aménagement SRADDET :
Ce projet entre en contradiction avec les objectifs affichés par le contrat Biodiversité signé avec l'Etat et le SRADDET de la Région Auvergne/Rhône-Alpes (Maître d'ouvrage..!), adopté en décembre 2019, dans lequel la collectivité affiche l'ambition de bâtir «une région d'avenir, solidaire et durable». Dans ce cadre, la Région s'engage notamment à la «désartificialisation des sols» et prétend, en sa règle 7, protéger les espaces agricoles et forestiers...
Ayant participé à l'élaboration de l'avis de France Nature Environnement Auvergne/Rhône-Alpes, FNE Haute-Loire peut reprendre à son compte un certain nombre de questionnements :
- Comment un projet de 10 km, consommateur de 140 ha de terres agricoles et de milieux naturels, pour un gain de temps dérisoire, peut-il s’inscrire dans l’objectif «zéro artificialisation nette du territoire» inscrit au Plan biodiversité présenté par le gouvernement à l’été 2018 ?
- Comment le maître d’ouvrage justifie t’il l’intégration de cet objectif dans son projet et comment celui-ci contribue-t-il à répondre à l’engagement de la France d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 ?
ZÉRO PERTE NETTE DE BIODIVERSITÉ VRAIMENT ?
Comment un tel projet, choisissant la variante la plus longue, en site vierge, vise-t-il l’absence de perte nette de biodiversité, alors qu’il se déploie dans un si grand nombre de milieux naturels remarquables et parie constamment sur la mise en œuvre de mesures compensatoires dont les surfaces utiles sont sous-estimées et, 23 ans après la DUP, pas encore trouvées ?
Le maître d’ouvrage considère que «le gigantesque chantier sera sur place, source de dérangements et disparition des biotopes privilégiés de la Loutre d'Europe», néanmoins «les surfaces perdues pour ses biotopes ne sont pas chiffrées car les ouvrages prévus assureront une transparence pour ses déplacements».
Le maître d’ouvrage considère encore que «les bois résineux (notamment de pins) sont fréquents dans l’aire d’étude élargie et le couple de Milan royal pourra retrouver un biotope favorable à la reproduction et l’habitat ne constitue pas un facteur limitant pour l’espèce. Par ailleurs une compensation des milieux boisés détruits est néanmoins à prévoir».
Le maître d’ouvrage considère aussi que les impacts bruts sur les chiroptères concernent 33,32 ha de boisements de feuillus représentent un enjeu fort car abritant des gîtes arboricoles potentiels et constituant un fort enjeu pour la chasse, 61,69 ha à enjeux faibles pour la chasse et 0,38 ha supplémentaires d’abreuvement et de chasse.
Comment expliquer que ce projet, qui date de 23 ans et consiste à créer une voirie nouvelle à 2x2 voies, uniquement en site propre, sur une longueur de 10,7km avec une emprise totale des travaux de près de 140 ha - ce qui est jugé par l’Autorité Environnementale comme important au regard du linéaire de l’infrastructure - n’ait pas intégré la nécessité d’enrayer la perte importante de biodiversité ?
Pourquoi, compte tenu des constats alarmants concernant la perte de biodiversité et des engagements multiples pris à ce sujet, ce projet ancien et anachronique s'appuie-t-il encore sur la multiplication de mesures d’évitement, de réduction et de compensation pour minimiser son impact ? Les constats les plus récents montrent que, malgré tous les investissements et les savoir-faire en ingénierie écologique, les résultats visés resteront hasardeux ?
Comment le maître d’ouvrage peut-il juger ce projet remarquable du point de vue de l’environnement alors que ces 10,7 km de route nécessitent près d’unecentaine d’hectares de mesures compensatoires (ratio tout à fait inhabituel !), voire plus ?
Compte tenu des évolutions climatiques, de la raréfaction possible des ressources en eau, est-il bien judicieux pour le faible gain de temps envisagé de remettre en cause des captages et des sources existants ?
Quelles solutions (et avec quel surcoûts) le maître d'ouvrage envisage-t-il si, malgré les dispositifs envisagés, le captage de Valaugères, ou les sources nécessaires aux exploitations agricoles, s’avéraient être pollués ?
Conclusion :France Nature Environnement Haute Loire considère que ce projet de mise à 2x2 voies de cette section de la RN 88 n'est pas adapté aux enjeux humains, économiques et environnementaux en présence. Il est néfaste pour toutes les raisons évoquées ci-dessus et du fait des trop nombreuses interrogations majeures
qu’il soulève.
Si FNE Haute-Loire est parfaitement convaincue de la nécessité du contournement de Saint Hostien, elle est partagée, comme ses habitants, sur la nécessité de contourner Le Pertuis.
Ce projet, conçu dans les années 80, est sans doute le plus dévastateur connu par le département depuis des dizaines d’années.
Il est contraire à toutes les préoccupations et orientations politiques et économiques actuelles et provoquerait des atteintes majeures à l’environnement, une altération grave et irréversible de la biodiversité des zones traversées - comme le soulignent clairement les avis de l’Autorité Environnementale et du CNPN - tout en ne réglant que très partiellement les aspects humains.
France Nature Environnement Haute-Loire est donc totalement défavorable à ce projet inadapté aux besoins, disproportionné et dont les impacts sur
l’environnement, la vie des habitants et l’économie locale sont aussi négatifs et mal évalués.