Une petite pépite : https://journals.openedition.org/rhcf/2132?lang=fr
extrait
Voici la conversation [avec le président V. Giscard d'Estaing] telle que Raymond Guitard (chef de cabinet du ministre Marcel Cavaillé) se la rappelle :
Et c’est à ce moment là que j’ai dit à Giscard : « Ça me paraît d’autant plus étonnant qu’au cours de l’été, sur les problèmes pour lesquels j’ai été nommé, je suis allé à Bruxelles, je suis allé à La Haye, je suis allé à Amsterdam, je suis allé à Genève, je suis allé… » Alors, il m’arrête, et il me dit : « Il y en a beaucoup, comme ça ? » Alors je lui dis : « Je voulais vous dire que dans toutes les villes que j’ai vues, il y avait des tramways. Et que je ne comprends pas comment, alors qu’on a tous ces pépins à cause du pétrole, on est condamnés à traîner nos autobus. Moi je vois, comme directeur général de la SEMVAT, je ne sais pas comment je vais payer le carburant, c’est effrayant. Alors qu’il y a une solution simple, qui est le tramway. »
Il m’a regardé, et il m’a dit : « Ah bon, vous vous en êtes aperçu, vous aussi ? » Je lui dis : « Oui, pourquoi ? » Il me dit bien, au revoir, mais il me dit : « Mais je vous en supplie. Allez à la Fête des Lumières à Lyon. Ce soir même. » « Oui Monsieur ». […] Donc ce jour-là, en début d’après-midi, le Conseil d’État a donné son avis favorable pour le TGV ; j’ai ramassé les papiers au triple galop, j’ai sauté à la gare de Lyon, et je suis arrivé…
Mais huit jours après, Cavaillé m’appelle – parce que je lui ai raconté ce qui s’était passé – et il me dit : « Ça vous apprendra à blaguer avec Giscard. » Je lui dis : « Pourquoi, qu’est-ce que j’ai fait ? » Il me dit : « Hé bien il m’a donné l’ordre, et il a expédié directement de l’Élysée un texte qui crée un groupe de travail pour s’occuper du tramway, et le président du groupe, c’est le nommé Raymond Guitard… »
L’échange est à interpréter avec précaution, car il est rapporté près de trente-six années plus tard. Sa teneur est néanmoins confirmée par M. Cavaillé. Il en dit beaucoup sur la centralisation du pouvoir d’initiative dans la France de la Ve République, surtout à l’orée d’un mandat présidentiel. La connivence des deux anciens camarades de l’ENA est tout aussi parlante, de même que l’idée de R. Guitard selon laquelle la préférence pour l’énergie électrique d’origine nucléaire ne serait « pas politique du tout ».
Un mois plus tard exactement, M. Cavaillé tient sa conférence de presse devenue fameuse, à l’occasion de laquelle il annonce un possible « nouvel essor » du tramway. Pour la première fois, la solution est inscrite sur l’agenda politique national. D’envisageable mais très peu appropriée, elle devient tout à coup légitime dans les discussions, ce qu’explique bien Marcel Bigey :
"À partir de cette époque, des idées jugées auparavant farfelues, hérétiques, voire séditieuses, devenaient presque à la mode. Les transports urbains n’étaient plus nécessairement voués au déclin. Il devenait possible de prendre en considération le tramway à l’intérieur même des institutions de la République."
À ce stade pourtant, le cercle des acteurs-promoteurs du tramway est restreint. Surtout, la solution est encore loin d’être opérationnelle. Précisément, M. Cavaillé annonce que son administration entend « définir en commun avec les exploitants et les collectivités locales les conditions de ce renouveau ».
Le calibrage de la nouvelle solution
Comment une idée encore vaguement formulée peut-elle devenir une solution d’action publique à même d’être déclinée dans les villes de France ? Cela passe par un processus de cadrage, auquel vont s’employer les acteurs nationaux. Or, ce travail se heurte très vite à un obstacle : lestée de souvenirs négatifs, l’appellation « tramway » ne fait pas l’unanimité. Le groupe de travail qui se met en place sous la présidence de R. Guitard tente d’abord de contourner les réticences en qualifiant son objet de « tramway moderne ». L’adjectif est présent dans l’intitulé même du groupe. On peut considérer qu’il constitue la première caractéristique, si l’on peut dire, de la solution à définir.
Une solution cadrée comme « moderne », transport-efficace et nationale
Le groupe rassemble des représentants de la DTT et d’autres ministères, auxquels doivent se joindre les délégués des collectivités locales et des exploitants intéressés. Patrice Malterre n’en fait pas officiellement partie, mais à l’invitation de R. Guitard il en devient le principal conseiller :
La liste des membres du groupe avait été fixée par la Présidence. C’est à ce moment-là que j’ai rappelé mon ami Malterre au galop, et que je lui ai dit ce qu’il nous fallait. Ah ! Il était aux anges ! Il m’a dit : « Mais moi je ne fais que rêver du tramway ! » Il est venu tout de suite, bien sûr. […] Et Malterre a donné des détails sur ce qu’il voulait appeler tramway. Il ne voulait pas que cela soit n’importe quoi. Et les types [les autres membres du groupe] l’ont tous écouté. On avait affaire à un type qui connaissait vraiment bien son boulot. Et il nous a vraiment passionnés, et il nous a poussés à faire un type de tramway qui apparaît d’ailleurs dans les propositions du cahier des charges
A+
nanar
"Si vous ne considérez pas le vélo urbain comme une partie de la solution pour l'aménagement des villes, vous êtes une partie du problème"