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Nous avons quelques divergences, j’ai passé sur les précédentes, mais là, très franchement, désolé de te rentrer frontalement dans le lard : je pense que tu es à coté de la plaque et que tu ne connais pas vraiment les spécificités de ce secteur ...
Et ce qui m’inquiète relativement plus, c’est que ce défaut de données d’entrées et de diagnostic semble être un point commun avec nos administrateurs, ceux à qui on a confié la gestion de l’espace collectif.
Pourquoi j’affirme que tu es à coté de la plaque ?
Je travaille sur différents chantiers dans ce quartier depuis 1995 ; j’ai eu le temps d’apprécier ce qui fait sa spécificité, ses défauts, son charme aussi, de percevoir quelques fondamentaux relativement stables et quelques évolutions dans son usage, et d’avoir un point de vue d’amateur éclairé…
Puisque tu avais donné l’impression d’y être attaché, je concède qu’une expérience personnelle professionnelle peut être mise en doute face à la rigueur (?) scientifique et aux choix méthodologique d’étude mis en œuvre.
Cependant...
La rue E.Herriot, jusqu’à l’installation des cagettes, avait un fonctionnement très certainement discutable mais qui était à l’équilibre en quelque sorte ; en vrac :
. Des commerces de détail, qui n’ont que très peu de stock, mais qui doivent gérer pour la majorité d’entre eux, des allées et venues de livreurs pour emporter et rapporter les vêtements retouchés
. Des clients de commerces qui zig-zagent souvent d’un trottoir à l’autre, flot historique qui s’est progressivement ‘discipliné’ avec les traversées aux carrefours
. Une centralité indiscutable, perçue comme telle et intégrée dans la perception de la cité
. Des hôtels avec de la dépose minute très active
. Une pression foncière certaine qui caractérise le secteur (spéculation, airb'b en développement)
. Des riverains qui continuent d’habiter et de faire vivre ce quartier en dehors des heures de bureau
. Depuis quelques temps, des zonzons en périphérie qui n’arrivent plus à faire rire à leurs exactions et mauvaises manières, et qui ont décidé de s’offrir un nouveau terrain de jeu en foutant le bronx à 3h du matin, en s’énervant quand les riverains leur larguent les missiles sur la boite à conneries
https://www.leprogres.fr/rhone-69-editi ... -de-reagir. Un tissu urbain comportant une grosse partie d’activités économiques tertiaires aux RDC / 1er / 2e étages des immeubles, souvent également aux 3e, induisant un trafic élevé (grosse proportion de visiteurs + actifs nomades par rapport aux sédentaires)
. Un impact très net du tourisme en terme de fréquentation des voiries, tant piétons que véhicules (plaques hors 69/38/01/42, et étrangères, proportion que je note en augmentation)
Sur le plan de la voirie et de son usage, quelques constats perso (ceux pour les TC issus de discussions / échanges avec les usagers) :
. Une configuration figée ces dernières années, avec, dans le sens de la circulation en partant de la gauche : une file de stationnement, une voie banalisée, un SP bus / taxi
Particularités :
> Stationnement au tarif dissuasif permettant une rotation effective
> Voie banalisée permettant le stationnement des livreurs ‘à la volée’ en double file le plus souvent, soit une moyenne de 15 à 30 véhicules à l’arrêt simultanément en début de matinée, un peu moins dans la journée : la file de bus sert de voie de dégagement ponctuel pour éviter les livreurs, gros trafic de trottinettes, vélos, scooters
> Une file de bus au trafic ‘léger’ mais régulier : S1 et surtout la 27 (ligne forte !) et le bus cabriolet de Lyon City Tour à intervalle variable, plus les véhicules de secours / service et les taxis (nombreux). La S1, ligne de desserte fine, est relativement bien adaptée à sa clientèle (habitants du secteur, des habitués, quoi), appréciée malgré ou à cause de sa vitesse de croisière qui ne dérange que ceux qui ont besoin d’aller plus vite / plus loin (et qui prennent la contrainte de l’empilement dans le métro). J’ai bien compris que ta sensibilité rationaliste la cataloguait comme une erreur non mirobolante et qu’elle ne répondait pas à tes exigences de TC performants, mais... elle répond avec ses spécificités aux attentes
>Aucun dispositif ou aménagement cohérent ne donne aux entreprises devant intervenir dans ce secteur (pour les travaux à réaliser sur ou dans les bâtiments) un cadre sécurisé et adapté. Rigoureusement aucun, si ce n’est le passage régulier des ASVP pour la distribution de prunes. La rue E.Herriot est un très long verger.
Les opérations de déchargement de matériaux, qui nécessitent un peu plus de temps qu’un arrêt de livreur pour une dizaine de vêtements à retoucher, sont systématiquement une épreuve difficile, lourde et pénalisante pour les entreprises, et parfois génératrices de risques. Idem pour l’évacuation des gravats, inévitables pour tous travaux !
Les montants des devis doivent intégrer le montant de ces prunes, qui sont donc répercutées sur le client. Est-ce normal ?
En fonction de ces données d’entrée, il est difficile de dégager ne serait-ce qu’un début de compréhension vis à vis de cette ‘expérimentation’. Le choix de supprimer – même pour des arguments spécieux d’expérimentation – le SP avec une collection de cagettes découle d’un manque dramatique de pertinence technique, de logique et d’efficience, sous couvert d’une amélioration putative du cadre de vie.
(Cagettes vendues à quel prix? Au détriment de quel budget ? Combien ? Hectomètres de bois d’oeuvre, terre végétale de qualité moyenne, végétaux de bonne taille & en bon état apparent, arrosage automatique sur tout le linéaire : combien ?)
Le constat est d’une rugosité épastrouillante, et il n’a même pas fallu attendre la fin de la mise en place du dispositif. Même si certains pensent ‘que les vp n’ont rien à faire là’, quelquefois, si, il y a besoin de. Juste, par exemple et au hasard pour des besoins de fonctionnement triviaux, bassement matérialistes, purement techniques, de la cité.
Juste pour permettre le passage des véhicules de secours, autre exemple lié au hasard.
. Les cagettes interdisent le contournement ponctuel des véhicules « de travail » en obligeant à attendre derrière eux la fin de la livraison, donc de leur stationnement / arrêt
Calcul : 3/4 minutes par véhicule arrêté, c’est une moyenne si le livreur est bon (il a aussi un rythme à tenir !)
x 10 véhicules en moyenne sur le linéaire de E.Herriot par exemple ? Plus ?
Bilan tarif d’entrée 40 minutes de patience ?
Moteurs tournants ?
On envoie les pompiers ou le SAMU par hélicoptère ? C’est qui le trésorier ? Faudra penser à lui livrer quelques palettes de tranquillisants, sinon on va le perdre.
. Tous les véhicules sont impactés, au lieu d’une semi fluidité. Les bus comme (voire plus que) les autres
. Les véhicules pris dans la nasse ont les moteurs qui tournent. Obligé. Cool pour la clim, pas cool pour les piétons... et le bilan carbone ?
. Les trous entre les cagettes… c’est pour les passages piétons ; chic, une place pour se garer (j’en ai pour 3 minutes…). Et là, même la poussette, même le PMR sont impactés.
Retour à l’age des cavernes ou des lampes à huile ?
. Les angles sortants de chacune de ces cagettes : une véritable éplucheuse à cyclistes. Va falloir se méfier, avec les manip' du pont de la Mulatière, cela fait 2 'précédents'. Coincidence ? Je ne crois pas.
. La largeur finale de passage : impossible de caser 1 vélo et une voiture simultanément. Comment croire quinze secondes qu'il est possible de loger un double sens vélo ET la file de circulation véhicules entre les cagettes stockées de chaque coté (parce qu'à certains endroits, il y en a des 2 cotés) ? Les concepteurs sont fâchés avec le calcul mental ? Y z'ont oublié de changer les piles de la calculette ? Y sont en panne de café ?
. Les hôtels n’ont plus de dépose minute devant la porte. Faudra expliquer aux clients qu’ils vont marcher depuis la place Bellecour, ou aller chercher leur taxi place Bellecour en repartant, c’est plus sûr. Surtout avec leur valises ; facile puisqu’elles ont des roulettes
. Timing des travaux lancés ‘à la rentrée’, après quelques mois d’été où l’impact des divers travaux de grande ampleur sur le fonctionnement de la ville a déjà été costaud
. Les chantiers chez les particuliers, donc l’entretien du patrimoine dans des conditions déjà difficiles, sont clairement impactés ; pour info, les entreprises avec qui je travaille m’ont déjà prévenu qu’elles renonceront à répondre aux consultations, et ne feront plus de travaux dans ce secteur. Comme une illustration de la ‘goutte d’eau’
C’est pire que si le choix avait été fait de bloquer l’accès à la rue Herriot avec des bornes escamotables, comme dans le Vieux Lyon par exemple. Parce qu’on empile des véhicules sans possibilité de dégagement, ou si peu. Le moindre pépin, c’est la catastrophe. Alors attendre 18 mois pour un constat avec retour d’ expérience, afin que des producteurs de référentiels et d’audit puissent bénéficier d’une juste rétribution me paraît juste déraisonnable.
Donc oui, contrairement à ce que tu résumes, il y a des enjeux
majeurs dans ce secteur, et qu’il convient de réfléchir avant toute ‘expérimentation’...
Et puis d’un point de vue plus philosophique… on fait peu de cas des végétaux mis en place ‘à titre provisoire’ pour l’expérience. On les jette, au bout, pour passer à autre chose ? Ça ne dérange personne, cette approche typée XXe siècle gaspillage ?
Et bien moi, ça me dérange, cette notion de ‘vivant jetable’ mis en place juste pour une ‘expérimentation’. Et non, cette expérimentation ne peut prétendre à faire suite à une réflexion technique approfondie ; elle met juste en évidence des lacunes et des inconséquences graves dans le processus décisionnel.
La ville n’est pas un espace à verdir en urgence électorale ; c’est un espace où on doit avoir « la vie belle » au lieu de l’avoir mauvaise.